Le bail dérogatoire ou quand la période d’essai s’invite en droit commercial

Le bail dérogatoire ou quand la période d’essai s’invite en droit commercial

Définition du bail dérogatoire

Le bail dérogatoire est un bail qui de manière conventionnelle, n’a volontairement pas été soumis au statut du bail commercial alors que l’ensemble des conditions aurait pu permettre l’application de ce dernier.

S’il protège inéluctablement moins le preneur qu’un bail commercial classique, il permettra aux deux parties de déterminer l’opportunité d’établir un bail statutaire : le preneur pourra à ce titre évaluer l’emplacement, alors que le bailleur évitera dans un premier temps un engagement beaucoup plus long.

Les parties n’ont pas à justifier les raisons pour lesquelles elles choisissent d’écarter le statut des baux commerciaux, le texte n’exigeant pas d’explications quant au choix de ce régime.

Le bail dérogatoire se distingue de la convention d’occupation précaire par la certitude liée à la durée d’occupation. Le bail dérogatoire est, en outre, un bail, à savoir un droit stable, statut dont ne jouit pas la convention d’occupation précaire (Article L 145-5-1 du Code de Commerce)

 

Conditions requises

Pour pouvoir déroger au statut impératif du bail commercial, le bail dérogatoire devra remplir un certain nombre de conditions découlant des dispositions des articles L 145-5 et suivants du Code de Commerce.

Tout d’abord, le bail doit être conclu lors de l’entrée du preneur dans les lieux (Civ. 3ème 30 mars 2017 n°16-10.786). La jurisprudence, par plusieurs décisions récentes a considéré que cette exigence pouvait être reconnue alors que le preneur les avait occupés antérieurement en vertu d’un autre titre (Civ. 3ème 2 mars 2017 n°15-28.068, Civ. 3ème 30 mars 2017 n°16-10.786)

Ensuite, la durée du bail doit être égale à trois ans maximum (cette durée était fixée à deux ans avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014). La conclusion de baux dérogatoires successifs d’une durée plus courte est permise dès lors que la durée cumulée n’excède pas les trois ans exigés par le texte.

Enfin, les parties doivent exprimer clairement lors de la rédaction du bail leur intention d’être soumises à ces dispositions. La seule durée inférieure à trois ans ne peut se suffire à elle-même pour déterminer l’intention de se prévaloir d’un bail dérogatoire (Civ. 3ème 2 février 2005 n°03-19-541).

 

Portée

Comme indiqué, le bail dérogatoire ne sera pas soumis au statut des baux commerciaux, alors même que l’ensemble des conditions sont réunies. Il ne donnera pas, à ce titre, naissance à la propriété commerciale. Il doit donc davantage s’entendre d’un bail civil à objet commercial pouvant être régi par les dispositions des articles 1714 et suivants du Code Civil. Le loyer sera à ce titre fixé librement entre les parties et ne sera pas plafonné.

Par extension, le preneur ne pourra donc se prévaloir des règles protectrices en sa faveur : il n’aura donc pas de droit au renouvellement ni le droit au paiement d’une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement.

Un état des lieux contradictoire devra être établi amiablement lors de la prise de possession des locaux par un locataire, ainsi que lors de la restitution soit par les parties entre elles, soit par un tiers mandatés par elles, et sera joint au contrat de location. A défaut d’entente il sera établi par huissier de justice à la demande de la partie la plus diligente.

 

Sort à l’expiration du délai de 3 ans

A l’échéance du délai de trois ans, ce bail dérogatoire permettra à chacune des parties de mettre fin à la relation contractuelle sans aucune indemnité, sous réserve du respect des conditions énoncées à l’alinéa 2 de l’article L 145-5 du Code de Commerce.

A l’expiration du délai de trois ans, si le preneur est encore en possession du bail, et en l’absence d’opposition du bailleur dans le mois suivant, le bail dérogatoire fait l’objet d’une conversion automatique en bail statutaire, qui sera quant à lui soumis à l’ensemble des dispositions d’ordre public relatives au statut des baux commerciaux.

La nouvelle rédaction de l’article L 145-5 du Code de commerce est désormais sans équivoque : il n’est plus possible de conclure un second bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.