Peut on desheriter quelqu’un par testament ?

Est-il réellement possible de déshériter un proche en rédigeant simplement un testament? La question de la possibilité de ne pas transmettre son héritage à un proche est souvent sujette à controverses. En France, le droit protège très fortement les héritiers réservataires, rendant impossible en pratique le déshéritement total d’un descendant direct.

Néanmoins, il existe des mécanismes juridiques pour contourner une partie de ces interdictions légales.

Les règles de droit du déshéritement en France

En raison du principe de la réserve héréditaire, il n’est pas possible dans notre législation d’éliminer totalement par testament un héritier réservataire.

Les héritiers réservataires sont généralement les enfants du défunt, et parfois le conjoint survivant. La réserve héréditaire correspond à une fraction minimale du patrimoine dont ces derniers ne peuvent pas être privés, même en rédigeant un testament. Ce système vise à protéger les droits des enfants et à garantir qu’ils perçoivent une part minimum de l’héritage familial. Les articles 912 et suivants du code civil ainsi que les articles 726-1, 727-1 et 921 encadrent ces dispositions.

Cependant, il est possible de transmettre la quotité disponible (partie de l’héritage non soumise à la réserve héréditaire) à qui l’on souhaite. Celui-ci peut bénéficier par exemple d’un légataire tiers, d’une œuvre caritative ou d’un autre membre de la famille. Le montant de cette quotité disponible dépend du nombre d’héritiers réservataires: elle est, par exemple, égale à la moitié si le défunt avait un enfant; au tiers s’il en avait deux; etc.

Si le mécanisme de la réserve héréditaire peut paraître contraignant dans certains cas (notamment lorsque l’on souhaite favoriser tel ou tel bénéficiaire), il faut garder à l’esprit que la loi française accorde une grande importance à la solidarité familiale et à la sécurité financière des descendants. En conséquence, le déshéritement total d’un héritier réservataire est quasiment impossible, excepté dans certaines situations exceptionnelles (comme les cas prévus par l’article 723-3 du code civil).

Enfin, une évolution législative récente a permis une égalisation totale entre les enfants, légitimes, naturels ou adultérins afin qu’aucun descendant ne bénéficie d’une protection particulière au détriment de ses frères et sœurs vis-à-vis du parent décédé.

Quelles sont les exceptions et les voies de contestation possibles contre le déshéritement ?

Bien que les principes de la réserve héréditaire soient stricts, certaines exceptions peuvent permettre d’y déroger partiellement.

C’est notamment le cas lorsqu’un héritier réservataire est déclaré indigne de succéder au défunt. L’indignité successorale doit être prononcée par un tribunal et repose sur des faits graves, comme une tentative d’homicide à l’égard du défunt ou des violences graves commises sur son corps. Dans cette hypothèse, l’héritier réservataire perd automatiquement le bénéfice de la réserve héréditaire.

La procédure de renonciation anticipée à l’action en réduction permet également à un héritier réservataire de renoncer volontairement à la part de la réserve héréditaire qui pourrait lui revenir. Cette renonciation anticipée doit être effectuée devant notaire et avec le consentement de toutes les parties concernées. Elle permet au testateur de disposer librement de ses biens dans la limite de la quotité disponible sans risque de contestation ultérieure.

De manière générale, toute personne héritant d’un patrimoine peut contester un testament si elle estime que ses droits ont été lésés. Un héritier réservataire peut ainsi agir en réduction pour faire reconnaître ses droits à la réserve héréditaire. L’action en réduction a vocation à rééquilibrer la réserve par rapport à la quotité disponible en procédant à une réduction des legs excessifs. Les tribunaux se prononcent alors sur la validité du testament et des donations accordées aux héritiers en tenant compte de la législation applicable au moment du décès. Lors d’une succession internationale, le déshéritement peut également être envisagé selon les lois étrangères applicables lors du décès du testateur.Les contrats d’assurance-vie ne font pas partie intégrante de la succession et ne sont donc pas concernés par le testament et les legs accordés aux héritiers.

Néanmoins, ils peuvent faire l’objet d’une contestation si les primes versées sont jugées excessives par rapport aux capacités financières du souscripteur.

Peut on desheriter quelqu'un par testament ?

Quelles sont les considérations pratiques à prendre en compte pour bien rédiger son testament ?

Écrire un testament est un acte délicat.

En effet, il faut tenir compte de ses propres volontés, mais aussi des règles de droit.

C’est pourquoi il est conseillé de se rapprocher d’un notaire afin de s’assurer que l’écrit est conforme au droit et qu’il répond bien aux souhaits du testateur. Ce dernier peut également apporter des conseils sur la manière d’utiliser la quotité disponible ou de prévoir les héritiers non réservataires.

On distingue notamment le testament olographe, qui sera écrit entièrement à la main par le testateur lui-même, du testament authentique, rédigé par le notaire en présence de témoins et du testament mystique, qui sera remis au notaire sous enveloppe cachetée porteur d’indications précises. Chacun a ses avantages et inconvénients, c’est là encore une fois où les conseils juridiques sont les bienvenus.

Il est primordial d’être le plus clair possible dans la rédaction du testament.

En effet, des clauses floues peuvent ouvrir la voie à des contestations ultérieures. Celles-ci doivent être rédigées sans équivoque et les bénéficiaires identifiés clairement. L’utilisation de termes précis ainsi que de modèles juridiques adaptés permettront ainsi de limiter au maximum les malentendus et conflits entre héritiers.

Cela va sans dire, mais un testament doit être actualisé régulièrement afin qu’il puisse refléter une situation personnelle ou familiale changeante. La venue au monde d’un petit frère ou d’une petite sœur, un divorce ou le décès d’un héritier sont autant d’événements devant entraîner une répartition différente des biens. Pour une bonne rédaction il existe toutefois quelques bonnes pratiques à adopter :

  • Établir la liste exhaustive des biens à transmettre.
  • Indiquer précisément les héritiers ainsi que leur lien de parenté.
  • Déterminer les règles de partage des biens, en prévoyant un mode de règlement en cas de désaccord.
  • Prévoir d’éventuels legs particuliers, comme des objets ayant une valeur affective.
  • Penser à désigner un exécuteur testamentaire afin de garantir le respect de ses volontés.

En tenant régulièrement son testament à jour, on est assuré du respect de ses dernières volontés et d’une bonne gestion de sa succession. Cette précaution minimise également les risques de conflit entre les héritiers et favorise une transmission sereine des biens.